Thursday, July 5, 2007

La révolution par les scouts


Le dernier opuscule de Tiqqun ("Comité invisible", ôte ta moustache, on t'a reconnu), L'Insurrection qui vient, est remarquablement représentatif des défauts et des qualités de ce groupuscule d'intellectuels, constitué il y a une dizaine d'années autour de la pensée de Giorgio Agamben, et dissous quelque temps du fait, paraît-il, de quelques démêlés virils au sujet des attentats du 11 septembre 2001, et aussi d'histoires de filles sur fond d'abus de boissons fermentées.

La pensée de Tiqqun est, tout simplement, la plus rigoureuse et la plus convaincante qui se puisse déduire de celle des situationnistes avant mai 1968 ; de ceux-ci, elle partage d'ailleurs souvent le brio, la qualité d'expression et la solidité des références. Quarante ans après, on ne peut néanmoins s'empêcher de bâiller devant leur déterminisme, comme s'il était nécessaire pour condamner ce monde lamentable de savoir qu'il s'écroule, par un besoin de se serrer les coudes au feu de l'histoire, quitte à peindre gris sur gris. Il y a là quelque chose d'un peu scout, d'un peu hippie (jusqu'à parler de faire un "pas de côté", comme dans L'An 01 de Gébé et Doillon), qui pèse et qui fatigue. La seconde partie, qui traite des modalités d'une insurrection future, est la plus attrayante ; mais la profonde nullité stratégique qui s'y déploie, même secondée par une vraie intelligence tactique, donne l'impression que les auteurs jouent aux petits soldats.

De toute l'avant-garde actuelle, les gens de Tiqqun sont sans nul doute les plus intelligents, et les plus radicaux. La stérilité historique de leurs thèses est donc exemplaire de l'urgence de réinventer la pensée révolutionnaire.

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